L’art de la langue française est de réunir des mots qui n’auraient eu aucun atome crochu à deviser ensemble, et qui pourtant cheminent côte à côte liés par la musique de leur sonorité. Ils nous donnent bien des maux à les écrire correctement, jouant à cache-cache avec leur acception, plus clairement leur sens.
Sur le pont des Arts, Calèches et chevaux Frayés aux ars, Musiciens, danseurs et badauds, Animent Lutèce, capitale de l’art. Au-delà, des horizons d’ares Aux paysages verdoyants, Fagots de bois liés à la hart, Autant de coloris chatoyants, que de promesses d’arrhes.Tout un art de bien écrire ces homonymes AR…tistiques. Penchons-nous un court instant sur cette homonymie. Du grec homos, « semblable, identique » et onoma, « nom, mot », les homonymes sont des mots qui s’écrivent ou se prononcent de la même façon, mais dont le sens est différent. Ils prêtent parfois à confusion. Ex. Des arts aux arrhes, il n’y a qu’une oeuvre… d’art. Des arrhes pour quelques ares ou bien des ares pour quelques arrhes, au choix. Les homophones (de homos, « semblable » et de phonê, « voix ») et les homographes (de homos, « semblable » et de graphein, « écrire ») sont des mots qui se prononcent et s’écrivent de la même façon. Ex. être (nom) et être (verbe) ; moule (mollusque) et moule (récipient). Les homophones et les hétérographes (de heteros, « autre » et de graphein, « écrire ») sont des mots qui se prononcent pareillement, mais s’écrivent autrement. Enfin, les hétérophones (d’heteros, « autre » et de phonê, « voix ») et les homographes se prononcent différemment, mais s’écrivent de la même manière. Ex. fils (enfant) et fils (à coudre) ; couvent (lieu de retraite) et couvent (du verbe couver).
Nos mots artistiques du jour sont donc des homophones et des hétérographes : à même prononciation, écriture diversifiée.
Les arrhes nous donnent bien souvent du fil à retordre tant son écriture est savante. Du latin arrha, abréviation du grec arrhabôn, « gage », des arrhes, nom féminin pluriel, sont une somme d’argent versée par l’une des parties à la conclusion d’un contrat pour en assurer l’exécution. L’italien ancien accapparrare, « donner des arrhes », serait à l’origine du verbe accaparer désignant au XVIe siècle l’action « d’acheter en donnant des arrhes ». Verser des arrhes résulte en une promesse d’achat qui ne garantit en rien la bonne orthographe…
L’ars d’un cheval est le point de jonction entre chaque membre antérieur et le poitrail. Nom masculin invariable, son étymologie est latine, armus, « épaule ». Un cheval « frayé aux ars » qualifie un équidé blessé dans l’inter-ars par des frottements provoquant une inflammation, des écorchures ou des gerçures. L’expression « saigner un cheval aux ars » rappelle que ce pli qui se remarque à la réunion de la poitrine et du membre antérieur du cheval, est l’endroit ou l’on pratique quelquefois la saignée.
Mot méconnu issu du vieux bas francique hard, « branche », de l’ancien français hart, « grosse branche » ou bien encore du latin artus, « branche, rameau » employé par Pline l’Ancien, la hart est un nom féminin. Au passage, le vieux bas francique constitue la langue originelle des Francs, classée dans le groupe bas allemand, bas signifiant « du nord, proche de la mer, des basses terres ». Le sens premier de hart est un lien de bois fait d’osier ou d’autre bois fort souple, avec lequel on lie les fagots pour les porter. Elle désigne également la corde servant à pendre les criminels condamnés ou le nom de ce supplice. Ex. À mort ! Oui, à la hart ! À la hart ! Enfin, par extension, la hart est un outil en fer, une chevillette courbée en demi-cercle et fixée à la muraille, sur laquelle le gantier et le peaussier passent et étirent les peaux. La hart est bien un homophone des autres arrhes, ars, are et art, puisque le t final ne se prononce et ne se lie jamais. Ex. La har(t) au cou.
L’hectare (ha), unité de mesure de superficie, est un multiple de l’are, et représente 100 ares ou 10 000 m2. Nom masculin, le mot are vient du latin area, « aire, surface », et désigne une unité de mesure des surfaces agricoles valant 100 m2. Son symbole est a. Un centiare (ca) est une subdivision de l’are, soit un centième d’are valant 1 m2. Nous obtenons donc l’équation :
1 ha = 100 a = 10 000 ca = 100*100 m2 = 10 000*1 m2 = 10 000 m2.
Que dire de l’art qui parle de lui-même. Son t final atteste de son origine latine ars, artis, « savoir-faire, métier, habileté, talent ». À la fois aptitude à réaliser quelque chose, ensemble des règles régissant une profession, créations d’objets ou de mises en scène, et ensemble d’œuvres artistiques, l’art dépasse toutes les frontières. Il ne répond qu’à son instinct.
« L’art est beau quand la main, la tête et le cœur travaillent ensemble » John Ruskin, critique d’art britannique (1819-1900) « Tous les arts sont frères, chacun apporte une lumière aux autres » Voltaire, écrivain et philosophe français du XVIIIe siècle (1694-1778)